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La loi de finances pour 2017 et la loi de finances rectificative pour 2016 apportent dès le 1er janvier de nombreuses modifications à différents dispositifs en matière d’ISF, soit pour en durcir le régime, soit pour faire échec à certaines jurisprudences parfois récentes qui s’étaient développées pour leur application. Jean-François Desbuquois, avocat associé chez Fidal, et Xavier Lebrun, responsable de l’ingénierie patrimoniale chez Oudart sont intervenus dans l’Agefi Actifs du 2 février pour exposer dernier leurs commentaires sur les dernières dispositions législatives relatives à l’ISF. Nous sommes à votre disposition pour vous transmettre l’article dont nous ne reprenons ici que quelques points.

1 - Plafonnement de l’ISF

Sur le fondement de l’article 885 V bis du CGI,  le redevable qui constate que le montant total de son ISF et de son impôt sur le revenu  excède 75% du total des revenus de l’année précédente peut  réduire son ISF à due concurrence.  

L’article 7 de la loi de finances pour 2017 crée un dispositif anti-abus, destiné à neutraliser les effets sur le plafonnement d’une stratégie d’ « encapsulage » de certains revenus dans des sociétés patrimoniales assujetties à l’IS, ce qui soulève de nombreuses interrogations et difficultés. 

Les premières d’entre elles concernent le champ d’application du nouveau dispositif : la loi vise « les revenus distribués à une société passible de l'impôt sur les sociétés contrôlée par le redevable ». Ne sont donc concernées que les  revenus mobiliers, qui correspondent soit à des distributions de dividendes décidées en assemblées générales soit aussi probablement à des revenus « réputés » distribués en application de l’article 109 du CGI. En revanche, la perception de revenus fonciers par la société  ne semble pas visée, pas plus que les autres schémas de capitalisation des revenus pouvant être réalisés sans recours à une société tels qu’un contrat d’assurance-vie. Les conditions d’application sont elle aussi sources d’interrogations, notamment les modalités de réintégration des revenus en question dans le calcul du plafonnement.

Le Conseil constitutionnel a été saisi et a énoncé une réserve d’interprétation dans sa décision du 29 décembre 2016 : « en conséquence, la réintégration dans le calcul du plafonnement des revenus distribués à la société contrôlée par le redevable implique que l’administration démontre que les dépenses ou les revenus de ce dernier sont, au cours de l’année de référence du plafonnement et à hauteur de cette réintégration, assurés, directement ou indirectement, par cette société de manière artificielle». Le Conseil constitutionnel semble ainsi limiter l’application du dispositif aux seuls schémas où le redevable aura bénéficié d’un équivalent financier (revenus ou prise en charge de ses dépenses) par la société.

2 - Biens professionnels et ISF

L’article 885 O bis du CGI exonère d’ISF la valeur des parts ou actions des sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale, lorsque le redevable exerce l’un des mandats sociaux énumérés par le texte (gérant, président, directeur général, président du conseil de surveillance, membre du directoire), perçoit à ce titre une rémunération normale représentant plus de la moitié de ses revenus professionnels imposables, et détient avec son groupe familial (conjoint, ascendants, descendants, frères et sœurs) une participation représentant, sauf exceptions, au moins 25 % des droits de vote . L’exonération est toutefois limitée à la fraction de la valeur des titres correspondant aux seuls éléments de l’actif social « nécessaires » à l’activité éligible (art. 885 O ter CGI).

L’article 29 de la loi de finances rectificative pour 2016 durcit sur plusieurs points les articles 885 O bis et 885 O ter. Au regard de la l’article 885 O ter, la Cour de cassation venait de décider dans un arrêt de principe du 20 octobre 2015 (Cass. com. 20 oct. 2015 n° 14-19598, com. JF. Desbuquois et B. Zilberstein FR 44/15) que la limitation de l’article 885 O ter ne pouvait trouver à s’appliquer que dans la société qui constitue le « bien professionnel » du redevable, c'est-à-dire celle dans laquelle il remplit les conditions de l’exonération, mais non au titre des actifs « non nécessaires » détenus par des filiales ou sous-filiales. Le législateur abolit cette jurisprudence en permettant d’exclure du bénéfice de l’exonération la fraction de la valeur des parts ou actions de la société constitutive du bien professionnel du redevable correspondant à la valeur des éléments du patrimoine social de ses filiales et sous-filiales qui serait représentative d’actifs non nécessaires à l’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale de la société constitutive du bien professionnel du redevable, ou de la société qui les détient. Son application suscitera des difficultés puisqu’elle impliquera de vérifier le caractère nécessaire des actifs de la filiale tant au regard de sa propre activité que de celle de la holding, constituant le bien professionnel du redevable, alors que cette dernière n’en sera pas propriétaire et n’en aura le plus souvent pas la jouissance. On voit mal dès lors comment le caractère nécessaire pourra être caractérisé en pratique dans une telle situation. Pour tenter de répondre partiellement à cette difficulté, l’article 885 O ter prévoit un dernier paragraphe assez surprenant : le redevable de bonne foi, qui ne sera pas en mesure de disposer des informations sur le caractère non nécessaire des actifs des filiales, ne subira aucun rehaussement. Ce type de dispositif de « sauvegarde » conduira donc le redevable ignorant à échapper à l’impôt qu’il doit …  En revanche rien n’est dit dans le texte sur la charge de la preuve du fait que le redevable n’était pas en mesure de disposer des informations nécessaires ni sur celle de sa bonne foi.

 

Xavier Lebrun

Directeur en charge de l’Ingénierie Patrimoniale

 

Achevé de rédiger le 3 février 2017

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